Les Calvaires et  les Croix de chemin à Poulainville.

 

Au cours du XIXe siècle, les croix de chemin fabriquées  en fer, donations de familles pieuses et aisées, se sont amplifiées. Le monument et le terrain  sont donnés à la fabrique (Assemblée de clercs et de laïcs chargés d'administrer les biens d'une église). Lors de processions une pause est marquée devant la croix. Le curé bénit alors  les prés et les champs, pour appeler de belles et bonnes récoltes. Ces croix étaient fabriquées industriellement et vendues sur catalogue.

 

 

Crucifix, Croix de chemin, de propriété, ou Calvaire?

 

Le Calvaire désigne la colline (le mont Golgotha) où Jésus fut crucifié. Quand le Crucifix, croix sur laquelle Jésus est présent, se trouve placé sur une butte entourée d'arbres évoquant le  lieu de son supplice, il s'agit d'un Calvaire.

 

La Croix de chemin est placée au croisement de chemins, c'est un point de repère qui conserve son sens religieux. Dans les années 60, à Poulainville comme ailleurs, beaucoup d'entre elles  furent déplacées pour élargir la voirie.

 

La Croix de propriété délimite la limite de la possession du donateur.

 

Alors, à Poulainville, Croix de Chemin, de propriété, ou Calvaire ? Dans notre village  les calvaires sont en grande majorité  aussi des croix de chemin. Nous les appellerons donc des Calvaires. La Croix de mission est un monument surmonté d'un Crucifix, en souvenir d'une mission.

Sur ce plan de Géoportail datant de 1950, nous apercevons les calvaires à leur emplacement d'origine .Nous avons repéré les calvaires avec les chiffres 1-2-3, la croix de mission porte la lettre A, et la Chapelle la lettre B.

 

 

 

Les calvaires proches du village au XIXe siècle.

 

Nous allons situer leurs emplacements d'après l'ancien cadastre en vigueur au moment de leur édification, suivi s'il y a lieu de la dénomination actuelle. Les donateurs étaient de riches propriétaires, bien souvent issus  de la ville et qui avaient placé leurs économies en achetant de la terre.

 

 

Calvaire route de Coisy (n°1)

 

Il était situé à la sortie du village au carrefour entre le chemin de Poulainville à Coisy et le chemin de Poulainville à Cardonnette .De nos jours, son emplacement d'origine se trouve sur le carrefour de la route de Coisy et de  celle d'Allonville. C'est une croix double, c’est-à-dire à montants et bras parallèles rendus solidaires par des motifs.

 

Nous trouvons dans les archives "Un petit terrain donné par BOIELDIEU et Denise Eléonore SCRIBE de la contenance de dix mètres, quatre cents quatre vingt treize millimètres carrés, situé sur le chemin de Poulainville à Coisy sur lequel une plantation de croix doit avoir lieu le 3 juin 1852". Auguste Floriste BOIELDIEU était propriétaire, il habitait avec son épouse Denise Eléonore SCRIBE à Quevauvillers.

 

Le Calvaire  Boieldieu sur son nouvel emplacement, à l'angle des rues C.Debussy et de la Vallée

 

 

 

Calvaire nommé Croix Hubert (n°2)

 

Ce calvaire n'est pas une croix de carrefour, probablement une limite de propriété, il se trouve le long de l'ancien chemin  de Poulainville  à Amiens. En 1851, ce chemin est nommé pour la première fois  "le chemin de la croix", ce toponyme atteste de la présence du calvaire à partir de cette année là. Ce calvaire était éloigné du village. Il était appelé Croix Hubert par les anciens.  Hubert est un patronyme ou un prénom qui a un rapport avec ce Calvaire, mais lequel? .En 1966, cette rue fut baptisée rue Saint Hubert.

En 1984, le calvaire était encore entouré d'arbres

 

Plus récemment le calvaire sans ses arbres.

 

 

 

Le calvaire  à l'entrée du village (n°3)

 

Au XIXe siècle, érigé par la famille de CLERMONT-TONNERRE le calvaire était situé  au bord de la route d'Amiens à Doullens  à l'angle du chemin de Longpré. Le chemin de Longpré est devenu aujourd'hui la rue de Longpré. Elle relie la route nationale au centre du village. Dans les années 60, le calvaire fut déplacé, reculé. Proche du restaurant, il se trouve toujours sur le terrain appartenant à cette famille. Ce calvaire comme tous les autres est fixé à sa base sur un socle en grès avec du plomb fondu.

Le calvaire de la famille de CLERMONT-TONNERRE proche du restaurant

 

Les Calvaires éloignés du village.

 

Les calvaires éloignés du village sont  visibles sur cette carte  de Géoportail de 1950: repères 3et4

 


 

 

Le calvaire situé au Ramponneau (n°3)

Dressé à l'angle de la route d'Amiens à Doullens et du chemin de Périot,  il se trouve toujours au même emplacement. Nous ne connaissons pas le nom de la famille qui l'a financé.

Quand  il était  encore entouré d'arbres

 

Maintenant il est bien différent, adapté pour des raisons de sécurité.

 

 

Le Calvaire  de la Cavée n°(4)

 

Situé à la limite entre la commune de Poulainville et le village de Bertangles, il a été érigé au carrefour du chemin de Bertangles à Amiens, devenu rue de Poulainville,  et du chemin de Bertangles à Coisy, devenu route de Coisy,  grâce à une donation datée du deux juillet 1894: "Mademoiselle Louise Sophie Irma ROUSSEL, propriétaire, demeurant à Amiens, rue des Crignons, n° 8.

 

Laquelle a, par la présente déclaré faire donation entre vifs

 

A la fabrique de l'église de Poulainville:

 

D'un carré de terrain de forme rectangulaire et de la contenance de quarante deux mètres carrés, sis à Poulainville, situé à l'entrée du village de la cavée sur la ruelle y tenant par devers d'un côté à Deflesselles, d'autre côté à Boulfroy, dans le fond auxdits Deflesselles et Boulfroy.

 

Du calvaire qu'elle a fait édifier dessus ainsi que le tout s'étend, poursuit et comporte sans exception ni réserve…"

 

"…La présente donation est faite aux charges et conditions ordinaires et de droit notamment sous celles suivantes que la fabrique donataire sera tenue d'exécuter et accomplir savoir:

 

-1-De prendre ledit immeuble dans son état actuel.

 

 -2-De souffrir les servitudes passives s'il en existe, sauf à s'en défendre et à profiter de celles actives sans recours contre la donation.

 

-3-De payer les impôts à la charge dudit terrain à compter de l'entrée en jouissance.

 

Le village de la Cavée ou du Petit Poulainville était composé de quelques maisons construites sur le territoire de Poulainville au lieu-dit " la Cavée ". Maintenant ce lieu habité jouxtant le village de Bertangles est identifié par le panneau Poulainville.

 

Choix délibéré ou pas, le choix de l'emplacement de ce calvaire interpelle, il est placé tout contre la partie de la commune de Poulainville distraite au profit de celle de Bertangles par la loi du  27 juin 1843.

 

Le calvaire érigé par la demoiselle ROUSSEL se situe toujours au même emplacement avec des arbres

 

 

 

Les autres croix

 

La croix de Mission. (A)

 

Elle est placée à l'angle d'un chemin qui est devenu la rue de la vallée Marette et le chemin de Longpré qui est devenu rue de Longpré. La croix de mission est élevée en souvenir d'une mission. Pendant plusieurs jours, un ou des prédicateurs extérieurs à la paroisse s'adonnaient à des activités spirituelles afin de raviver la foi. Notre croix de mission était en bois : vers 1968, endommagée, elle se rompit .Le charron Georges COZETTE en fit une nouvelle en tôle pliée en gardant les dimensions de l'originale. En 1894, elle fut financée par Mademoiselle Irma ROUSSEL. Est- ce la même  Louise Sophie Irma ROUSSEL qui finança le calvaire de la Cavée la même année? probablement. Sur la plaque apposée sur le socle, le patronyme COZETTE de la RIVE interpelle. Est-ce celui du prédicateur?

Plaque commémorative apposée sur le socle

 

La croix de mission avant, hors du village

 

Aujourd'hui, la croix de mission est rattrapée et dépassée par les habitations du village.

 

 

 La croix de la famille LÉPINE.

 

En 2014, lors de l'agrandissement  du cimetière, il fut nécessaire de déplacer    une stèle  en pierre  friable surmontée d'une croix. Cette stèle qui se trouvait dans l'allée centrale, au fond du cimetière, empêchait l'accès à l'extension. 

 

Sur  trois faces  de celle-ci on pouvait lire, difficilement, à cause de l’outrage des ans,  des inscriptions  gravées:

 

 

 

La face avant

 

 

 Une épitaphe : O Crux ave spes unica (locution latine signifiant: "Salut, ô Croix, [notre] unique espérance").

 

En dessous de cette épitaphe suivait : Monument élevé par des frères A la mémoire de Mr LÉPINE, curé de la paroisse de Daours mort à Poulainville.

 

Il s'agit d'Adolphe Firmin LÉPINE qui décéda, le 21 Octobre 1842  dans la cure de son frère François curé  de Poulainville.

 

La face à droite

 

 La face à droite

 

 

Sur la face à droite on observe une autre épitaphe :

 

In spe resurrectionis (locution latine signifiant :"Dans l'espoir de la résurrection)

 

Sous l'épitaphe suivait ce texte : Ici repose le corps de François Auguste Alphonse LÉPINE curé de cette paroisse, moissonné par l’épidémie, le 3 Octobre 1849, bon pasteur, dans sa 42eme année .Il a employé et il a sacrifié sa vie pour ses brebis De profundis requiem in pace.

 

 

 

Il est mort, victime du choléra comme  environ 60/100  de la population de  Poulainville  à la même époque.

 

La face à gauche

 

Comme sur les autres faces, une  épitaphe,  D. O. M,  abrégé de la locution latine " Deo Optimo Maximo  " (à Dieu très bon très grand)

 

 

 

Ici reposent les corps de Louis Charles Antoine LÉPINE, Propriétaire, décédé à Amiens le 14 mai 1854 âgé de 49 ans  et de Sidonie COZETTE, Epouse LÉPINE, décédée à AMIENS Le 16 Mars 1891 dans sa 83e année.

 

Louis Charles LÉPINE était l'oncle du curé de la paroisse de Poulainville   François LÉPINE décédé du choléra.

 

Louis-Charles LÉPINE fut un  bienfaiteur de cette paroisse comme nous l'atteste son legs:

 

   Le 26 Novembre 1854,  Monsieur Pierre Louis BOUTILLIER, maire de la commune de Poulainville, informe le Conseil municipal et lui présente une lettre émanant de Monsieur le préfet, lui annonçant qu’une somme de dix mille francs est léguée par Monsieur Louis Charles Antoine LÉPINE, propriétaire, pour la reconstruction de l’église, avec l’accord de ses héritiers et de sa légataire.

La croix de la famille LÉPINE avant son déplacement.

 

Devant celle-ci nous apercevons la dalle en ciment recouvrant les ossements

 

 

 

 

La stèle: Cénotaphe ou Sépulture familiale ?

 

Toutes ces personnes décédées entre 1842 et 1891,   furent  inhumées  dans l'ancien cimetière, car  l'actuel ne fut mis en service qu'en janvier 1923.

 

Ce n'est qu'à partir de la fin du XIXe siècle que des concessions furent  proposées par la municipalité de Poulainville. Auparavant les corps étaient inhumés souvent les uns sur les autres,     sans délimitations ni identification de tombes.

 

 De l'ancien cimetière,  présent depuis plusieurs siècles, peu de corps ont été exhumés  et transférés dans le nouveau comme le prouve  l'absence de fosse commune dans celui-ci.

 

 Des corps furent enterrés à l’intérieur de l'ancienne église, ces sépultures étaient réservées aux prêtres, à des bienfaiteurs, ou des personnes ayant acheté ce droit. Mais  en 1776 un édit de Louis XVI  avait interdit cette pratique.

 

 Dans ces conditions nous doutions de la présence de restes humains sous la stèle.

 

Cette stèle qui, à l'origine, avait été érigée  à la mémoire du curé de Daours,   se trouvait probablement dans l'ancien cimetière et elle était située devant l'entrée de l'ancienne église, comme on la voit sur un dessin de DUTHOIT  représentant l'ancienne église de Poulainville.

 

Lors de la fouille  devant son socle, sous une petite dalle  en ciment, et en pleine terre, à faible profondeur,  furent découverts, en vrac, des ossements  en  très mauvais état de conservation (aucune trace visible de crâne).

 

La présence de fragments de planches détériorées parmi eux,  prouve que des ossements provenant de la famille LÉPINE, exhumés de l'ancien cimetière, avaient étés rassemblés dans un petit cercueil et ensevelis au pied de la stèle transférée.

 

Les noms des corps furent probablement gravés sur celle-ci lors de cet événement.

 

Au cours de l'opération du déplacement la stèle  se brisa et fut remplacée.

 

Les restes humains furent de nouveau réunis dans une boite à ossements et ensevelis dans une concession sous la nouvelle stèle.

 

 

Les croix de cimetière en fer

 

 

 

Trois anciennes croix en fer sont  présentes dans notre cimetière .Elles sont dressées sur des tombes anciennes abandonnées. Rongées par la rouille  ces croix funéraires vont disparaitre .Elles peuvent parfois être antérieures à la sépulture, récupérées, ou après 1923 transférées de l'ancien cimetière.

 

 

 

La croix de la famille POT-FAISANT

 

 

 

Nous commençons par elle car cette sépulture est encore identifiée. En 1857, Léopold POT qui est né à Poulainville était retraité, ancien contrôleur à l'établissement DEBRAY d'Amiens.

 

En 1870, sa future  épouse Emilie FAISANT naissait à Paris.

 

Encore .présents sur la liste de recensement de Poulainville en 1925, ils ne l'étaient plus en 1936, décédés entre temps.

La croix de la Famille POT-FAISANT datant des années 1930

 

 

 

 

 

                                                                                                                                 Ulysse PERODEAU.

 

Sources:

 

Archives départementales de la Somme

 

Archives communales.

 

Croix de fer en Picardie, Jean PÉDEBOEUF - EKLITRA

 

Toponymie de Poulainville ,Ulysse PÉRODEAU -EKLITRA